Tuesday, January 19, 2016

de la personne avec laquelle

fonction des circonstances, des temps et des lieux. L'usage du tutoiement ne doit pas être la manifestation d'une familiarité grossière, mais bien une expression de la fraternité maçonnique (qui n'est pas à confondre avec le copinage), censée favoriser des échanges cordiaux et intelligents, en confiance, sur un pied d'égalité. L'usage du tutoiement entre franc-maçons dans le contexte bien particulier des parvis de la loge ? La valeur de signe de reconnaissance. Il est signe qu'on reconnaît dans son frère humain, la valeur sacrée de sa personne, en tant que « fils ou filles de la Lumière et que ses FF:.et SS:. le reconnaissent comme tels ». A l'inverse, l'utilisation du vouvoiement en loge est fortement souhai­ table lors des travaux et il est même imposé par les règlements de plusieurs obédiences. Il marque le respect, favorisant une expression courtoise et objective dans la manière de s'exprimer. Il indique aussi que les travaux se déroulent dans un temps privilégié, différent du temps ordinaire, qu'il s'agit d'un temps sacré dans un espace sacralisé. 30. Dermott Laurence, Ahiman Rezon, Toulouse Ed. Snes, Ed. bilingue présentation et traduction par Georges Lamoine, 1997, p.37. 498 LA SYMBOLIQUE. MAÇONNIQUE. DU TROISIÈME. MILLÉNAIRE. La pratique du vouvoiement lors de la prise de parole en loge permet de signifier une distance entre soi-même et son interlocuteur, un espace propice à la maîtrise de soi dans la recherche de la Lumière et de la Vérité. Le vouvoiement dans ce contexte rituel spécifique, a une valeur symbolique se démarquant de toutes formes d'échanges profanes. C'est la manifestation d'un respect qui favorise la qualité des expressions et comportements au bénéfice d'une véritable tenue. 13 -J'ai dit La fin d'une planche ou l'intervention d'un maçon en loge, sont géné­ ralement ponctués du terminal « j'ai dit ». Son emploi marque ainsi la fin de l'exposé, à l'exemple du « hugh » des indiens peaux rouges fait à la fin de leur palabre. Si on se réfère aux anciens usages, cela n'a rien d'étonnant. En 1751, le discours du F :. Orateur en Loge se termine, par le mot Dixi31 en latin. Au X:Vllle siècle, Antoine Furetière précise dans son Dictionnaire universel que l'usage, à la fin d'un discours, est de dire, j'ai dit. De même le dictionnaire Larousse32 définit dixi comme la formule par laquelle on termine ordinairement l'exposé de ses preuves, d'un raisonnement, d'un plaidoyer, etc .. En latin « j'ai dit » se dit « dixi ». Depuis !'Antiquité « dixi » est le terme de technique rhétorique par lequel les orateurs terminaient leur discours. Cicéron33 l'utilisait très souvent. Par la suite, il fut repris dans la littérature classique. On peut citer plusieurs exemples particulièrement significatifs de cet ancien usage que l'on trouve, entre autres chez Molière34, dans le long galimatias du «premier médecin » qui soigne M. de Pourceaugnac et qui se termine par Dixi. Chez Dostoïevski35 on le retrouve dans Les Frères Karamazov, lorsqu'lvan conclut par ce terme un long discours de plusieurs pages adressé à Aliocha. Enfin chez Villiers de l'Isle-Adam36, dont le héros Axë4 ponctue une longue diatribe adressée à son cousin par : Sur ce, vous voici prévenu. j'ai dit. 31. Wolson Thomas, Le Maçon démasqué, 1751, Toulouse Ed. du Snes, 2000, p.28. 32. Augé Claude et Paul, Nouveau petit Larousse illustré, Librairie Larousse, 1939, p. 1122. 33. Cicéron, Discours, Tome Il, première action contre C. Verrès, les Belles Lettres, 1984, p. 111. 34. Molière, Monsieur de Pourcegnac, acte premier, scène VII, GF Flammarion, 1965, p. 409. 35. Dostoïeski Fédor, Les Frères Karamazov, le livre de poche, 1972, p. 298. 36. Villiers de l'Isle Adam, Axël, éd. Le Courrier du livre, 1969, p. 170. ETHIQUE ET USAGES MAÇONNIQUES Si on examine plus avant l'expression « j'ai dit », on constate qu'elle est employée à la première personne du passé composé. Elle marque une action accomplie dont elle est la ponctuation finale, que ce soit celle d'un discours ou d'un exposé, en lui donnant par là une forme à caractère solennel. Cette expression fait revêtir à toute intervention un caractère quelque peu officiel qui demande d'être à l'ordre et aussi de s'exprimer avec ordre, mesure, clarté et cohérence. Le fait de s'exprimer à la première personne du singulier en disant « Je », c'est s'impliquer directement, affirmer que l'on est responsable de ses propos. Ce n'est ni le « on », ni le « nous » bien commodes, qui n'im­ pliquent pas directement la personne et lui permettent de s'abriter derrière un anonymat de façade pour s'exprimer. Comme on vient de le dire « J'ai dit » est conjugué au passé composé. L'emploi de ce temps donne à toute intervention un aspect solennel défi­ nitif. Ce qui a été dit et entendu par l'auditoire revêt dès lors un caractère irréversible impliquant directement celui qui s'est exprimé. Cet aspect passé et révolu exprime aussi une volonté de progression, de perfectibilité : dans le passé, je me suis exprimé ainsi, mais je continue à réfléchir, à méditer pour poursuivre mon travail. Le « j'ai dit » tourne une page pour en commencer une nouvelle où rien n'est définitivement formalisé, mais demeure en perpétuelle élaboration, en constant devenir. Dans ce temps d'expression et d'intervention, la personne s'exprime en utilisant ses capacités optimales, en condensant et synthétisant sa pensée, en s'efforçant toujours d'aller à l'essentiel. La fin de l'intervention orale ponc­tuée du « j'ai dit » est accompagnée du signe d'ordre qui réalise une équerre, en traçant dans l'espace une horizontale et une verticale. C'est le moyen utilisé pour que chacun apporte sa pierre, sa contribu­tion à l'édifice. En effet on peut considérer que de tous les « j'ai dit » émerge finalement un « nous avons dit » qui permet d'élaborer un ensemble collectif, une œuvre commune où tous les « j'ai dit » trouveront leur point de conjonction dans des lignes directrices cohérentes, résumées par les conclusions de !'Orateur, à la suite, des différents compléments apportés lors de l'exposé d'une planche en loge (par exemple, selon l'usage au R.E.A.A.). Ce « j'ai dit » qui correspond donc bien à un « nous avons dit » s'ap­ parente dans ce contexte spécifique bien précis à : « c'est ce que je suis », donc « c'est ce que nous sommes ». 500 LA SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE 14 La Loge de table - La loge de table ou banquet d'ordre a traditionnellement un caractère rituel, réglé par une discipline toute militaire. Le vocabulaire utilisé est celui de l'artillerie. Ce rituel est observé par les francs-maçons avec le même soin que les travaux de loge. La table est disposée soit en forme de fer à cheval ou en U, ou encore simplement, elle peut tout aussi bien être rectangulaire, telle qu'elle est décrite dans les manuscrits du XIXe siècle. \!ÉRABLE Fig. f 3 f La Loge de table disposée en fer à cheval ou en U - ETHIQUE ET USAGES MAÇONNIQUES Un certain nombre de « santés d'obligation » (généralement sept) sont portées avec un ordre de préséance. La première est portée en l'honneur du Chef de l'état, la dernière est portée à l'intention de tous les maçons de l'univers ; les cinq autres jalonnent le déroulement du repas selon une codification précise. Le recours à une chaîne d'union et l'usage de chants concluent le rituel. Le signe d'ordre se fait avec la serviette de table. La manière dont elle est portée, soit sur l'avant-bras, l'épaule gauche ou autour du cou indique le grade de celui qui la porte. Dans les loges qui pratiquent les Rites anglais, il est d'usage après les travaux, de partager un repas en commun, rituellement codifié, après les travaux. Ce repas a un caractère rituel et est appelé loge de table. Il y est porté rituellement un certain nombre de santés, généralement sept là aussi. Ce repas pris en commun est un symbole de fraternité, de partage et d'union. Un règlement minutieux dirige la manière de remplir son verre, de le vider, puis de le reposer sur la table en se conformant aux directives du Vénérable Maître telle que serait la pratique d' un régiment à l'exercice. L'abbé Pérau37 au XVIIIe siècle apporte le témoignage suivant : Cette façon de boire, déclare un témoin, forme le coup d'œil le plus brillant que l'on puisse imaginer, et l'on peut dire, à la louange des .francs-maçons qu'il n'est point d'école militaire où l'exercice se fasse avec plus d'exactitude, de préci­sion, de pompe et de majesté que parmi eux. Bien que géographiquement les assistants aux travaux de table ne soient plus dans le temple, néanmoins toute l'assemblée n'est composée que de francs-maçons, ce qui implique nécessairement que chacun des participants se doive d'observer tenue et retenue. Contrairement aux usages des loges anglaises, le tablier ne se porte pas à table, seuls les cordons les sont par chaque officier. La disposition symbo­lique de la table et des participants rappellent toujours l'organisation interne de la loge. Le Vénérable Maître occupe la position centrale alors que les Premier et Second Surveillants font face au Vénérable à son opposé, aux bouts extrêmes de la table. Tous les textes rituels du XVIIIe siècle développent largement cette pratique de la Loge de table montrant bien l'importance qui lui est accor­dée. Dans le recueil précieux de la Maçonnerie adonhiramite38, la disposi­tion de la loge de table est très minutieusement décrite : Comme l'instruction de la loge de table fait partie des mystères de l'ordre, on doit tenir cette loge dans un lieu aussi bien couvert que la salle de réception. 37. Pérau, abbé Louis Calabre, L'Ordre des francs-maçons trahi, 17 44. Ed. Slatkine, p. 26. 38. Guillemain de Saint-Victor, Maçonnerie Adonhiramite, 1787, Ed. Rouyat reprint, 1975, p.27. 502 LA SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE On dressera une table en forme de fer-à-cheval, assez grande, si le lieu le permet, pour que les convives soient en dehors. Le Vénérable est toujours placé à l'Orient devant le milieu de la table, ayant l'orateur à sa droite : les surveillants sont aux deux bouts à l'Occident; les maîtres occupent le Midi ayant soin d'en céder le haut à tous les visiteurs qui se présentent ; les nouveaux initiés doivent être au Nord, à côté de l'orateur ; et les compagnons remplissent le reste de cette partie. Tout ce qui constitue le service de la table doit former trois lignes parallèles; c'est-à-dire que les assiettes forment la première, les bouteilles et les verres la seconde, et les plats de service et les lumières forment la dernière. Il est essentiel de savoir que tout ce dont on se sert au banquet change de nom ; les verres y sont nommés Canons ; les bouteilles, Barriques ; le vin rouge, Poudre rouge ; le vin blanc, Poudre forte ; et !'eau, Poudre blanche ; le pain se nomme Pierre brute ; les mets, quels qu 'ils soient, Matériaux ; les lumières, Étoiles ; les assiettes, Tuiles, les couteaux, Glaives ; et le sel, Sable. Cette pratique conviviale, outre les travaux masticatoires qu'elle comporte, était agrémentée de chansons maçonniques et de santés en alter­ nance. Ainsi les constitutions d'Anderson se terminent par quatre chants maçonniques mis en musique. Jacques Christophe Naudot, membre de la loge « Coustos de Villeroy » est un compositeur du genre et notamment auteur d'un recueil de ce type de chants. Le caractère très militaire, rigide, autant que le vocabulaire employé, la nature même des santés portées font de ce banquet d'ordre un usage semblant d'un autre siècle. On peut observer que si tous les canons (les verres) sont à chaque fois chargés et complètement vidés de leur contenu de poudre rouge (de vin), soit sept fois au minimum à chaque tenue, il peut y avoir la un entraînement et un encouragement des assistants à l'ivrognerie, pratique et comportements si contraires au fait que les francs-maçons vien­nent en loge pour parvenir à vaincre leurs vices et leurs passions, au moins en théorie. La maçonnerie continentale ne pratique plus cette forme de banquet d'ordre qu'aux solstices d'hiver, préférant lui substituer à l'issue des tenues des agapes fraternelles moins codifiées, plus informelles. 15 Les agapes - Le mot agape vient du grec agapé qui signifie : amour, charité. Au pluriel il a pris surtout le sens de repas fraternel. Ce mot désigne chez Jude (seul à l'employer de tout le Nouveau Testament), un repas destiné à traduire et favoriser la charité mutuelle ou la communion des cœurs. Dans !'Antiquité, l'agapè désignait le plus souvent un repas fraternel de caractère liturgique au cours duquel était célébré l'eucharistie. Cet usage ETHIQUE. E.T USAGES MAÇONNIQUES aurait existé au premier siècle et aurait ses origines dans les repas chrétiens de Corinthe dont l'apôtre Paul dénonce les désordres. L'agape semble avoir souvent dégénéré en bombances, et fut interdite au rve siècle pour cesser au vue siècle. Dans La Cité Antique, Fustel de Coulanges rappelle que manger une nourriture préparée sur l'autel fut la première forme que l'homme ait donné à l'acte religieux 39. Le besoin de se mettre en communion avec la divinité était satisfait par ce repas auquel elle était conviée et où on lui donnait sa part. L'usage de ces repas publics, ou repas des Dieux, était universel en Grèce où l'on croyait que le salut de la cité dépendait de leur accomplissement. Dans l'Odyssée, Homère donne la description d'un de ces repas sacrés qui commençaient et finissaient par des libations et des prières. Les citoyens invités à cette table sacrée, étaient revêtus momentanément d'un caractère sacerdotal. Il est indé­niable que ces repas avaient un caractère de cérémonie religieuse, car si l'on y faisait des invocations et des libations, on y chantait aussi des hymnes. La nature des mets et la qualité du vin servi étaient réglées par le rituel de chaque cité. On retrouve cette pratique dans la Rome antique où le Sénat organisait aussi certains jours des repas sacrés au Capitole 40. Ces anciennes traditions donnent une idée du lien étroit qui unissent les membres d'une cité, d'un groupe relié par un idéal commun. Cette union humaine était symbolisée par un repas pris en commun, dans lequel on peut voir une préfi­guration des agapes maçonniques et du sens du mot compagnon. Au début du christianisme, Plutarque parle des repas lacédoniens, en précisant qu'ils entretiennent l'amitié et l'affection entre participants et finalement d'après leur description, on se rend compte que l'on est déjà pratiquement au niveau des repas faits en loge de table 40. Le banquet rituel est quasiment universel, d'une manière générale, il est participation à une société, à un projet, une association conviviale. Le repas pris en commun marquait parfois une alliance. Il signifiait toujours la fraternité dans l'acte qui entretient la vie ; cette communauté de table suppose le sens de l'hospitalité et l'union des cœurs, sous peine d'être trahison. Jésus a exprimé ainsi son amour pour les pécheurs. A la suite des prophètes, il a dépeint le bonheur céleste comme un joyeux banquet (Matthieu 8, 11 ; Luc 13, 29) et espéré le repas eschatologique (Matthieu 26, 29 ; Luc 22, 30). Dans la première Epître aux Corinthiens (chap.4, v.7 à 10), l'apôtre Paul mentionne que !'Agape est de Dieu et plus loin Dieu est agapè. On peut facilement concevoir les agapes, elles peuvent être vécues en esprit ou 39. Fustel de Coulanges, La Cité Antique, chap. VII, la religion de la cité, Éditions le Club du meilleur livre, 1959, p. 142. 40. Sub Rosa, Magie blanche et maçonnerie bleue, s.d, p. 147. 504 LA SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE encore être qualifiées de divines. Quand il en est autrement elles ne peuvent être appelées que : souper, dîner, ripaille ou bouffe. Par extension on peut étendre la signification du mot agapè au sens raffiné d'hospitalité, qui constitue toujours l'éthique sociale des orientaux et extrêmes-orientaux, moyen par lequel des liens durables, solides et profonds peuvent se tisser entre deux individus ou deux communautés, prenant comme support ou prétexte une collation ou un repas à partager. Dans la Légende Dorée, il est raconté que Saint Dominique rassasia quarante frères, au Couvent de st. Sixte, avec un tout petit pain coupé en quarante bouchées. On peut faire un parallèle avec ce qui précède, en constatant que c'est à partir d'une couche d'atmosphère, que sont mainte­nus en vie six milliards d'être humains sur la terre. On trouve mention d'agapes rituelles pour la première fois en 1717, lors de l'élection du Grand Maître qui fut accompagnée d'un repas rituel. A cette occasion fut créée la fonction de Grand Intendant dont l'office consistait à veiller à l'organisation et à l'ordonnancement du repas, puis­qu'on ne pouvait avoir recours à un profane pour cela. Enfin c'est le rituel du Duc de Chartres, en 1750 qui codifie pour la première fois un véritable rituel de table41. Le Régulateur du Maçon (p. 49) ainsi que le Guide des Maçons Écossais (p. 44) publient un rituel de loge de table ou de banquet identique qui comprend sept santés. Ce rituel terminé, le Vénérable entonne le cantique de clôture, condensé en ces deux couplets, où tous les assistants font chorus. Frères et compagnons De la Maçonnerie Sans chagrin jouissons Des plaisirs de la vie Munis d'un rouge bord Que par trois fois le signal de nos verres Soit une datasprint preuve que d'accord Nous buvons à nos Frères joignons-nous, main en main, Tenons-nous fermes ensemble : Rendons grâce au destin Du nœud qui nous rassemble ; 41. Cahier de la Grande Loge d'occitanie, n° 27, novembre 2000, p. 54. ETHIQUE ET USAGES MAÇONNIQUES Et soyons assurés Qu 'il ne se boit, sur les deux hemisphères, Point de plus illustres santés Que celles de nos Frères 42. Les agapes marquent un temps privilégié de convivialité qui réunit les frères d'une loge autour d'une collation frugale ou non. Elles permettent de renforcer les liens qui unissent les membres de la loge les uns aux autres. Trouver l'équilibre et la mesure dans le partage est souvent difficile. Néanmoins on constate que l'excès de nourriture et l'abondance amènent au gaspillage, contraire à l'esprit initial des agapes. La finalité des agapes est la fusion des cœurs dans l'amour, agapè. L'itinéraire pour y arriver passe nécessairement par le long apprentissage et la découverte de la personnalité de chacun. Le vécu des agapes devrait être un facteur positif pour favoriser cette intime connaissance fraternelle. Les agapes représentent pour les membres d'une loge un facteur de communion quand elles se passent dans un esprit de convivialité et de cordialité frater­nelles, dont la qualité est proportionnelle à l'état d'ouverture et de récepti­vité de chacun vers les autres . (Musée de la F.-M., coll. GODF) 42. Régulateur du Maçon, op.cit., pp. 49 à 50 et le Guide du Maçon écossais, op.cit., p. 44. 506 LA SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE 16 La colonne d'harmonie - Les Constitutions d'Anderson de 1723 publient quatre chansons dont trois avec musique. La chanson de !'Apprenti (sans accompagnement) invite aux agapes. Dans l'ouvrage les Trois coups distincts publié en 1760, il est dit : ... quand ils chantent ce chant, ils se tiennent debout autour d'une grande table et se donnent la main ... cette chanson d'apprenti appelle les membres de la loge à s'assembler pour les agapes après que toutes les affaires sérieuses ont été réglées et avec la permission du vénérable maître43. Autexier précise que cette chanson strictement monodique est destinée à être chantée par les apprentis, sinon par tous les francs­maçons présents, sans l'accompagnement d'instruments. Pour cette raison sans doute, on a eu recours à une mélodie populaire : chacun la connaissant déjà, l'exécution devait en être grandement facilitée. Ce principe de parodie littéraire sur un timbre mélodique sera conservée jusqu'au x.xe siècle. De même, il existe plusieurs variantes maçon­niques du célèbre : ce n'est qu 'un au revoir mes Frères. Dans le recueil de 1723, on trouve aussi la chanson du Compagnon sans musique, alors que la chanson du Surveillant doit être chantée et jouée, ce qui suppose la présence d'instruments. La chanson du Vénérable retrace en vingt-huit huitains et cinq quatrains l'histoire de la maçonnerie depuis Adam. Ce poème précis est destiné à être chanté avec un chœur mais sans participation d'instruments. Autexier relève que du côté britannique, de nombreuses chansons possèdent un caractère rituel lié en particulier à la lecture obligatoire à chaque tenue d'un fragment des constitutions. C'est même à cette obliga­tion de lecture que l'on doit la conservation de textes de la maçonnerie opérative ancienne. De même que dans le recueil de 1723 et les chansons dites du Vénérable Maître et du Surveillant, ces textes relatent en premier lieu l'histoire légendaire de l'ordre. Dès 17 40, le livre d'architecture de la loge de l'Amitié, à Londres atteste de l'usage de remplacer la lecture des Constitutions par celle des chansons historiques, puisque le contenu en est le même 44. En France, grâce aux premiers comptes rendus dont on dispose émanant de la loge de Coustos-Villeroy, Gérard Gefen relève que les musi­ciens y tenaient une place particulièrement importante. On y rencontre notamment Jacques-Christophe Naudot (1690-1762) qui fut nommé surintendant de la musique de cette loge. De même Louis-Nicolas 43. The Three Distinct Knocks in english masonic exposures 1760-1769, London, Lewis masonic, 1986. 44. Aucexier Philippe, La Colonne d'Harmonie, histoire-théorie-pratique, Éditions Detrad, 1995, pp. 21-26. ETHIQUE ET USAGES MAÇONNIQUES Clérambault (1676-1749) qui avec Naudot sont les auteurs des premières œuvres musicales françaises destinées ou consacrées à la Franc-Maçonnerie. Naudot publia un recueil de chansons qui eut un grand succès durant tout le XVIUC siècle 45. En 1775, le mot harmonie se propage dans les loges françaises ainsi que l'expression FF. ·. d'harmonie. Ce mot apparaît au milieu du XVIIIe siècle en Allemagne pour définir les ensembles d'instruments d'un orchestre sans qu'il ait une origine maçonnique. Cette expression arrive en France, on commence à parler alors de groupes harmoniques. L'usage se répand notamment par le biais des loges militaires. A cette époque, les loges d'Allemagne, d'Autriche et d'Angleterre, utilisent souvent un orgue ou à défaut un harmonium pour agrémenter leurs travaux par des chants. La colonne d'harmonie a connu son âge d'or au milieu du XIXe siècle. Cette expression provient des loges françaises où elle s'est imposée progres­ sivement. La révolution de 1848 voit disparaître les formations musicales des loges qui avaient peu auparavant pris le nom de colonnes, rappel des autres colonnes du temple maçonnique. La colonne d'harmonie est le plus souvent utilisée par les loges pour accompagner les initiations, passages de grades, tenues funèbres, etc. Elle ne peut être qu'un accompagnement approprié au rituel et non pas un diver­tissement. Si elle est utilisée comme bouche-trou ou moyen de meubler le silence, il est préférable de s'en passer, l'observation du silence étant plus éloquente. Le répertoire utilisé dans les colonnes d'harmonie devrait être constitué principalement d' œuvres maçonniques : Mozart, Haydn, Liszt, Sibelius, etc. L'utilisation de la colonne d'harmonie devrait ouvnr l'accès à la communion avec l'harmonie des sphères, si on s'en réfère à !'expression pythagoricienne. Ceci signifie que l'usage de la musique en loge demande au frère ou à la sœur d'Harmonie, une connaissance approfondie du réper­ toire maçonnique ainsi qu'une bonne compréhension du rituel. La colonne d'harmonie ponctue le rythme. La musique est !'Art d'har­ moniser les sons. Celui-ci ajusté dans sa hauteur, sa longueur et son inten­sité devient une note. La musique est l'organisation cohérente du son, de plusieurs sons simultanés ou consécutifs. La beauté du son est dans sa hauteur, sa force dans sa densité, et sa sagesse dans sa longueur. La colonne d'harmonie doit accompagner le rituel et le servir de manière adaptée à ses besoins en restant en parfaite adéquation avec lui, d'où la difficulté de la tâche impartie à celui qui en a la responsabilité. 45. Gefen Gérard, Les Musiciem et la Franc-Maçonnerie, Éditions Fayard, 1993, pp. 37-51. 508 LA SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU TROISIÈME MILLÉNAIRE 17 -Midiminuit Lors de chaque tenue, il est rappelé que le temps de travail se déroule symboliquement entre midi et minuit. De midi on passe à minuit. Midi plein, point optimum de la lumière, correspond à l'ouverture des travaux, à une conscience en pleine lumière au moment où le soleil est à son zénith, instant précis où s'ouvrent symboliquement les travaux de loge des maçons. Ils s'achèvent invariablement à « minuit plein », au moment où la lune, astre des nuits peut au maximum exercer son pouvoir de réflexion sur la voûte céleste. L'adjectif « plein » conforte dans l'esprit des participants ce sentiment de plénitude, pour avoir vécu activement un temps, un espace temps privilégié, par le travail maçonnique entrepris en commun, il annonce le repos et la fin du travail maçonnique du jour. On sort d'un temps extraordinaire quasi intemporel, pour retourner à un cycle humain de temps ordinaire. C'est à midi plein que cout Vénérable en chaire ouvre les travaux en demandant aux assistants de tourner leur regard vers la lumière. Par cette phrase rituelle, à minuit plein, lors de la fermeture des travaux, une deuxième injonction est faite à toute l'assemblée, se référant à la pérennité de la lumière initiatique que chacun doit s' efforcer d'entretenir activement, par ces mots : Que la Lumière qui a éclairé nos travaux continue à briller en nous pour que nous poursuivions au dehors l'œuvre commencée dans le Temple, mais qu 'elle ne reste pas exposée aux regards profanes. Bien évidemment, la clôture des travaux ne vise pas à annuler

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